Chez Frühstück on aime découvrir, et vous faire découvrir, des talents strasbourgeois. C’est comme ça qu’on s’est dit que ce serait sympa de vous parler de Palette Woody, un menuisier d’un nouveau genre qui, comme son nom l’indique, fabrique ses meubles entièrement à base de palettes. On l’a rencontré chez lui, où flotte une agréable odeur de bois et de vernis, autour d’un bon café.
Frühstück : Salut ! Avant tout, peux-tu te présenter brièvement ?
Palette Woody : Je m’appelle Maxime, j’ai 27 ans et je suis né à Strasbourg.
Frühstück : Peux-tu nous expliquer un peu ton background, et comment tu en es venu à faire des meubles en palette ?
Palette Woody : J’ai d’abord fait un bac S, un peu par défaut parce que ça m’ouvrait plus de portes. Après le bac, j’ai fait une école de bande-dessinée à Liège en Belgique. Mais j’ai arrêté au bout de la deuxième année parce que j’avais du mal à être enfermé pour dessiner. Je ne m’étais pas préparé à ce que ça devienne une activité pro et je n’y trouvais plus de plaisir.
Je voulais complètement changer de cadre de vie mais je culpabilisais parce que c’était quand même des études qui avaient coûté des sous à mes parents. Alors comme je ne voulais plus être à leur charge j’ai cherché un chantier où je pouvais travailler et être autonome.
Du coup je suis parti en Ardèche, au Hameau des Buis. C’est un chantier d’écoconstruction d’un hameau d’une vingtaine de maisons bioclimatiques. J’y ai appris pleins de trucs, notamment à me servir d’outils et à construire. Mon père et mon grand-père étaient très bricoleurs du coup ça me rapprochait d’eux, en quelque sorte.
Frühstück : A la base t’es pas trop bricoleur ?
Palette Woody : Si, j’ai toujours bricolé un peu. Mais c’était jamais sérieux. Je fabriquais des armes en bois avec les copains. Et des cabanes aussi, j’en ai construit pas mal. Peut-être que cette expérience me rapprochait d’un jeu pour enfant, mais en un peu plus sérieux. Donc j’ai fait ça pendant neuf mois, de la maçonnerie à la charpente en passant par l’isolation par paille.
Après le chantier je me suis lancé dans un projet de ferme pédagogique avec un couple, mais je n’ai pas trouvé ma place. Je suis revenu à Strasbourg parce que l’appart de mon beau père était dispo et ça me permettait de retrouver ma famille et les copains. A la base je voulais juste passer l’hiver ici et repartir dans mon camion aménagé pour travailler en saison et bouger en France. Finalement, je me suis senti bien ici. J’ai rencontré quelqu’un alors je me suis posé. Mais quand je suis posé quelque part, il faut que je fasse des choses.
Dans l’appart il y avait pas de meubles alors je me suis dit que je pourrais en fabriquer. Je cherchais à le faire de manière économique, c’est comme ça que j’ai commencé avec les palettes. A l’époque le copain de ma sœur vivait ici et il rêvait d’un grand bar. Comme j’avais un peu de temps, on s’est motivés, on a collecté des palettes et on a construit le bar. J’étais chaud alors dans la foulée j’ai construit des étagères et des tables. Quand ce copain a déménagé il m’a demandé si je pouvais faire des meubles pour chez lui. Des gens qui étaient chez lui ont vu les meubles et ont aimé. Ils ont passé commande et c’est un peu parti comme ça.
Frühstück : Du coup tu fais surtout du travail de commande et du sur-mesure ? C’est quoi ton processus de création ?
Palette Woody : C’est surtout de la commande parce que j’ai pas trop d’espace pour stocker. J’aime bien quand c’est à la demande parce qu’il y a une intention qui est derrière et ça me cadre. J’aime bien avoir une raison de m’activer et que les gens ait une demande précise. Mais s’il y a une idée globale je fais de la recherche et j’invente aussi. Récemment j’ai fait un Awalé (jeu d’origine africaine. ndlr) en bois. C’était juste parce qu’on m’a offert un outil qui permet de creuser en rond, donc ça me permettait de le tester.
Frühstück : C’est qui ta clientèle ? C’est du bouche à oreille ?
Palette Woody : Ouais, c’est surtout du bouche à oreille. Des amis d’amis d’amis et un peu la famille aussi. Et quelques pros qui veulent des bureaux ou des commodes pour aménager des boutiques. Par exemple des buffets, des étagères, ou des présentoirs pour mettre des cintres.
Frühstück : C’est quoi ton plus gros projet ? Et quel-est celui dont t’es le plus fier ?
Palette Woody : Le bar, qu’on a fait pour nous dans l’appart. C’était pas le projet le plus compliqué, ni même le plus beau. Mais c’est un projet collectif, qui est né d’un désir commun. On était vraiment à fond dedans pendant toute la durée du projet. C’était trop bien.
Frühstück : Et c’est aussi celui qui t’as un peu lancé…
Palette Woody : Ouais c’est ça ! Y a le bar, donc, et une belle table que j’ai faite pour mes parents. Là j’ai vraiment pu travailler les formes et les couleurs naturelles du bois
Frühstück : Bon et la question qu’on se pose tous : les palettes, elles viennent d’où ?
Palette Woody : Ça vient de la rue; de Strasbourg. Quand j’ai commencé à faire des meubles je prenais ce que je trouvais à droite et à gauche. Le concept était de faire de la récup’ et du local. Je ne veux surtout pas commencer à aller loin pour chercher mes palettes. Le but est de récupérer ce qui se jette. Les gens, les commerçants où les industriels, doivent payer pour se faire débarrasser de leurs palettes. Ils remplissent des bennes, et quand la benne est pleine une société vient la récupérer. Ça coûte assez cher du coup ils sont assez content s’ils peuvent s’en débarrasser autrement. Je suis un peu en concurrence avec les gens du voyage parce qu’eux aussi récupèrent les palettes (rires). Mais c’est de la petite concurrence parce que j’en récupère pas beaucoup. Je fais le plein de mon garage environ tous les deux mois. Donc ça va.
Frühstück : Du coup t’as ton réseau de fournisseurs de palettes ?
Palette Woody : Ouais c’est ça. Certains me les mettent de côté. D’autres disent “premier arrivé, premier servi”. Mais je sais où je peux en récupérer, et où je ne peux pas. Je fais souvent des tours de repérage en vélo dans Strasbourg. Je repère et je reviens les chercher en voiture. Parfois j’en prends sur le vélo mais c’est un peu galère (rires). Faudrait que je me construise une charrette. Ce serait trop marketing, avec un petit fanion Palette Woody !
Frühstück : La palette, c’est ton seul matériau de base, ou est-ce que t’utilise autre chose ?
Palette Woody : Au début j’étais réticent à utiliser d’autres matériaux, un peu bloqué dans mon principe de palettes. Mais récemment j’ai bossé sur un chantier à Obernai et j’ai réalisé qu’ils jetaient plein de bois, qui sert à emballer des fournitures ou protéger d’autres matériaux. Je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire du coup j’en ai récupéré plein et j’ai commencé à travailler avec. Ça me permet notamment d’avoir des sections plus importantes, parce que la palette c’est que des lattes ou des cubes. Avec ce que je trouve sur les chantiers je peux faire des choses plus grosses, des structures ou des pieds de tables.
Sinon parfois je récupère des vieux meubles en bois, que je retape avec de la palette. Ça fait des mix assez sympa. J’aimerais bien travailler le métal, ça m’attire beaucoup. Mais pour ça il faut que j’investisse dans du matériel.
Frühstück : Les palettes sont fabriquées avec quel bois ?
Pour les palettes qu’on trouve ici, c’est généralement du pin, ou du sapin. Certaines sont en peuplier, c’est un bois plus clair et assez joli à la finition. Par contre, devant les magasins de produits asiatiques je trouve souvent des palettes qui viennent de loin, avec du bois plus exotique, plus sombre. Mais j’ai pas encore identifié ce que c’est.
Frühstück : J’ai remarqué que ces derniers temps il y a un engouement pour le « Do It Yourself » et les meubles récupérés. J’ai l’impression que les gens vont préférer un meuble un peu brut et rustique à un produit Ikéa lisse et bien propre. T’as l’impression que ton travail est dans l’ère du temps et est-ce que ça te profite ?
Palette Woody : La récup’ ne date pas d’hier mais je crois que les meubles en palettes sont assez récent. J’aime bien et ça me donne plein de sources d’inspiration. Y a des tas d’idées sur le net et certaines personnes mettent la barre très haut. Ça me motive à fond.
Je ne sais pas si ça me profite vu que le principe du « Do It Yourself » est de le faire soi-même. Après, certains ne sont pas bricoleurs, ou n’ont pas la place pour bricoler et sont juste content de me commander un meuble.
Frühstück : Du coup tu puise surtout ton inspiration sur internet ?
Palette Woody : Ouais, surtout sur internet. Mais c’est aussi de l’imagination. Des fois je me pose devant une feuille, je dessine un projet et j’essaie de le rendre réalisable. Mais entre l’imagination et ce qui est possible de faire, il faut une bonne technique. Moi je ne suis pas qualifié et je n’ai pas de formation dans le bois donc parfois il me manque cet aspect technique. Mais je fais comme je peux et j’avance petit à petit.
Frühstück : Tu fais quand même pas mal de choses toi-même ? Je pense aux lasures et vernis que tu m’as montré. Tu ne trouves pas ce que tu recherches dans le commerce, ou c’est juste plus fun de faire ses produits soi-même ?
Palette Woody : Ouais c’est ça. C’est vraiment plus sympa de le faire soi-même. Et c’est pas très cher. Je fais des lasures à la bière, ça coûte rien : une canette et des pigments. Le côté nature me plait aussi. Je me pose la question des émanations chimiques dans les maisons.
A propos, depuis 2010 les palettes ne sont plus traitées chimiquement. Elles sont juste traitées thermiquement. Je précise parce que beaucoup de gens m’ont dit “ouais… mais les palettes, c’est toxique !” Par contre on ne pourra jamais contrôler qu’est-ce que la palette a transporté. Mais je ponce toutes mes palettes donc ça réduit les risques quand-même.
Frühstück : Comment tu vois le futur ? T’aimerais pouvoir en vivre totalement ?
Palette Woody : Ouais… je suis un peu mitigé. J’aime vraiment faire des meubles mais je ne sais pas si je pourrais développer. Je ne me sens pas assez professionnel même si je pourrais me former et passer un diplôme. C’est vrai que pour le moment je ne me suis pas encore trop posé la question. Pour le moment c’est mon délire mais je ne sais pas encore si je suis prêt à investir de l’argent dedans pour me professionnaliser et avoir un espace de travail plus grand. Parce que là je bosse dans mon garage alors à long terme… Et puis avec mon amie on aimerait s’installer en Norvège, je ne sais pas encore si je vais exporter Palette Woody là-bas, pour faire concurrence à leurs voisins suédois (rires).
S’il y a un avenir à Palette Woody ce serait plutôt dans les objets artistiques. Ou alors continuer à faire des meubles mais pousser plus du côté des couleurs, des gravures, et des formes.
Frühstück : On arrive au bout, avec la question bonus : tu manges quoi au frühstück ?
(Rires) Ça dépend de ce qu’il y a dans le frigo. Mais le plus souvent c’est la tartine de pain. En ce moment j’ai une pâte de noisettes au miel qui déchire ! Et des yaourts maison aussi.
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