On est récemment allé à la rencontre de Mathieu Bernhardt, hyperactif strasbourgeois dans le milieu culturel. Il nous a présenté l’École Européenne de la Création et du Développement du Jeu Vidéo et du Serious Game, la Ludus Académie dont il est le responsable communication & événementiel depuis novembre 2015. Cette école implantée à Strasbourg depuis 4 ans, propose des formations aux multiples débouchés dans le domaine de la création et du développement de jeux vidéos.
Mais cette école renferme aussi une véritable caverne d’Ali Baba. Avant de se poser dans son bureau, on a profité du calme d’un samedi après-midi pour en faire le tour. Plus de 20 ans de collection, des consoles mythiques, des murs remplis de jeux, des bornes d’arcades à ne plus pouvoir les stocker. On vous livre quelques images.
Frühstück : Salut Mathieu. Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Mathieu : Mathieu Bernhardt, responsable communication et événementiel de Ludus Académie, l’école de programmation et de développement de jeux vidéos et de serious game à Strasbourg et à Bruxelles.
Frühstück : Depuis quand est-ce que cette école existe à Strasbourg ?
Mathieu : 2011 ! On est sur la 4ème année. Et on est aussi depuis 2 ans à Bruxelles. C’est le directeur, Jérôme Hatton, qui a créé cette école. Il était ingénieur informatique et professeur dans différents établissements de Strasbourg. Il s’est rendu compte qu’il y avait une grosse demande dans le jeu vidéo, côté programmation, dans le serious game notamment. Il a donc créé son école privée il y a 4 ans pour former les étudiants à ce nouveau média. Le serious game, c’est en même temps un produit de communication et en même temps un produit pédagogique et ludique.
La formation dure 5 ans, ce qui amène sur une licence et un master. Les étudiants ont vraiment une formation globale sur le jeu vidéo et le serious game au niveau du développement, de la programmation, du game design et de tout ce qui entoure ces univers.
Frühstück : Est-ce que tu peux donner quelques exemples de serious game pour les personnes qui ne connaissent pas le concept ?
Mathieu : Enfait le serious game, c’est très très large. On a travaillé sur des serious game dans la santé, dans la musique, avec des banques en ce moment. Dans l’art aussi. Ça dépend de la demande de l’entreprise. C’est très difficile de faire une synthèse de ce que ça peut être. C’est très ouvert.
Dernièrement, on a créé un jeu qui s’appelle « Mesago ». C’est un jeu sur la détection du risque de suicide. On parle de « jeu sérieux ». On peut traiter de thématiques très ciblées, de façon très ludique. On pense qu’on peut réellement apprendre via le jeu.
On a également travaillé avec l’Ososphère et l’artiste Paul Souviron pour l’installation artistique « l’Uppercube » (coproduction : Quatre 4.0/Ososphère, Ludus Académie, Stereolux) qui est un « jeu vidéo d’artiste ». En fait, on joue à 1 contre 1, sans se voir. Le joueur évolue dans un univers de formes géométriques qui se battent, un peu à la Street Fighter. Ces destructions prennent place dans un univers sonore qui plonge le joueur dans une réelle expérience. C’est assez barré. Donc comme dit, le serious game, c’est très vaste. On peut faire de l’éducatif, comme de la performance artistique…
Frühstück : On peut voir que vous avez beaucoup de consoles à l’école. Et même les premières consoles au monde. Quel est le lien qu’on peut faire entre les toutes premières consoles et le serious game d’aujourd’hui, qui est utilisé jusque dans les institutions ?
Mathieu : D’une part, l’école a une grosse collection de jeux vidéos parce que le directeur est un grand collectionneur. Depuis plus de 20 ans. Donc il fait aussi profiter de sa collection ici. D’autre part, l’école investit dans du matériel parce que c’est important pour les étudiants de connaître l’histoire du jeu vidéo. Ils connaissent toutes les nouvelles générations mais il faut aussi savoir ce qui a été fait avant, et comment ça a évolué. Notre volonté, c’est aussi de préserver le patrimoine vidéo-ludique.
Frühstück : Quelle est ton rôle à toi précisément dans l’école ?
Mathieu : Depuis que je suis dans l’équipe, on a monté Ludus Events, qui est le pôle événementiel de l’école. Le but de Ludus Events, c’est de créer des événements autour du jeu vidéo, et en même temps d’avoir un travail d’« évangélisation » sur le jeu vidéo. En fait, à Strasbourg il y a peu d’événements majeurs dans le milieu du jeu vidéo. C’est pour ça qu’on a créé « Start to play » en 2014. On a d’ailleurs vécu la 2ème édition en 2015 au Fossé des Treize. C’est un évènement 100% jeu vidéo.
En gros, c’est une grosse gaming zone où les gens peuvent jouer à toutes les consoles, et ce, toute génération confondue. On retrouve les grands classique du jeu vidéo : Sonic, Mario, Street Fighter mais aussi des jeux plus subtiles pour que les gens puissent s’amuser. On a fait venir des invités. Cette année on avait Florent Lecoanet qui est champion du monde de Super Mario Kart. On avait aussi Kayane qui a été championne de jeux de combat. Du coup, les gens peuvent rencontrer ces invités et jouer contre eux.
Du reste, il a été prouvé que le jeu vidéo est fédérateur. Aujourd’hui on a encore une image du gars tout seul en train de jouer chez lui, mais il n’y a pas que ça ! Dans ce genre d’évènements, on voit que le jeu vidéo rassemble et que toutes les générations s’y retrouvent. C’est très familial ! Tout le monde joue avec tout le monde, on se challenge, on se fait des compèts avec des gens qu’on ne connaît absolument pas.
Mis à part cette partie ludique, on organise aussi des expositions et des conférences où on on essaye de “dédiaboliser” le jeu vidéo. On parle des risques mais aussi des nombreux intérêts. On parle des métiers liés au jeu vidéo et des débouchés potentiels.
Frühstück : Et où ont lieu ces conférences et ces expos ?
Mathieu : On a monté une expo-conférence « Quand la Littérature devient Jeu » à la Médiathèque de Sélestat, et en 2015 à la librairie Kléber de Strasbourg. On a exposé les jeux qui trouvent leur origine dans la littérature et ceux qui ont donné lieu à des bouquins. On peut noter par exemple le jeu Dune, qui a été inspiré du célèbre roman. On a trouvé intéressant de faire des liens et de montrer que le jeu vidéo peut être présent sous différentes formes.
On est aussi amené à faire des conférences dans les collèges, lycées, médiathèques… Ça dépend de la demande.
Frühstück : En fait, ce que vous voulez dire, c’est que le jeu vidéo s’inscrit dans la culture globale et que ce n’est plus une pratique “marginale de geeks” ?
Mathieu : Bah… Depuis quelques temps on dit que le jeu vidéo constitue le 10ème art. C’est vrai que quand on voit le travail de création, aussi bien visuel que sonore, je crois qu’on peut vraiment parler d’art. Le jeu vidéo est devenu un produit culturel à grande échelle. Les ventes explosent.
Frühstück : Quels sont les projets sur lesquels tu travailles ? Ceux dont tu as le droit de parler en tous cas ?
Mathieu : On a déjà pas mal de projets événementiels pour 2016, des expositions qui sont entrain de se monter… On va être présent sur l’exposition « Let’s Go 2 », dans le cadre du NL contest 2016. C’est une exposition sur le Lego et Ludus va participer sur la partie jeux vidéos avec une rétrospective de la licence.
On va aussi avoir la 3ème édition de « Start To Play » avec une grosse nouveauté cette année. Start To Play va devenir un festival de jeux vidéos. Ce sera la dernière semaine d’août, du 24 au 28. Cet évènement va accueillir le championnat du monde de Super Mario Kart. On attend cette année des joueurs de toute l’Europe pour 4 jours de compétitions. On gardera bien sûr en parallèle une grande gaming zone, des démonstrations, un village-expo aussi… Strasbourg deviendra la capitale du jeu vidéo pendant quelques jours, voire plus (rires).
Frühstück : Tu parles de compétitions, de champions du monde… au final le jeu vidéo, c’est un art ou un sport ?
Mathieu : C’est vrai qu’on peut voir dans le monde des grandes compétitions, comme celles de League of Legends par exemple, avec des salles remplies de 50 000 spectateurs. En France, cet aspect « sport » commence à venir. On peut voir, par exemple, Florent Lecoanet qui est sponsorisé par Meltdown. Les joueurs français n’arrivent pas encore à vivre du jeu. Kayane, elle, est sponsorisée par Redbull.
Frühstück : Et statistiquement, dans les écoles et les évènements, quelle est la proportion de filles et de mecs ?
Mathieu : (rires) On nous demande souvent ça ! Dans les évènements comme Start To Play, c’est moitié/moitié. Même sur les compétitions, il y a des filles qui ont un sacré niveau de Mario Kart, de Super Smash Bros… Je cite encore une fois Kayane, qui est championne de Street Fighter, qui est pro, reconnue au rang mondial ! On aime casser cette image et on le voit avec nos étudiants.
En tout, on a 120 étudiants (ndlr. 95 à Strasbourg et 25 à Bruxelles) dont une dizaine de filles. Elles sont donc présentes dans les métiers du jeu vidéo aussi. On milite pour montrer que le jeu vidéo est mixte, et que c’est pas réservé qu’aux garçons !
Frühstück : Qu’est-ce que ça te fait de travailler dans l’univers du jeu vidéo ?
Mathieu : Ouais c’est un rêve de gosse ! Je me suis calmé, mais quand j’étais jeune je jouais beaucoup aux jeux vidéos. Je fais partie de la génération PlayStation, NES, Super Nintendo tout ça ! J’ai eu une coupure pendant une petite période et là, le fait de se remettre dans le bain, ça m’a donné plein de souvenirs.
C’est clair qu’il y a ce côté fun, on se fait plaisir sur les évènements. On a eu par exemple un évènement « Watch & Game » au cinéma VOX où on a eu le plaisir de jouer à Mario Kart et Street Fighter sur un écran de cinéma. C’est un rêve de gamin pour beaucoup de monde qu’on a pu réaliser.
Frühstück : À côté de Ludus, on te voit sur Coze Magazine, sur l’événementiel avec Beatburst, comment tu fais pour combiner toutes ces activités ?
Mathieu : J’ai la chance de pouvoir vivre de ma passion et tout s’imbrique finalement. Tout reste dans l’esprit culture, tout se relie, c’est de l’événementiel. Avec Coze c’est plus l’aspect agenda. Avec Ludus académie on a amené le jeu vidéo dans Coze avec les nouvelles rubriques “Le jeu du mois” et “L’appli du mois”. Avec Beatburst, on monte l’exposition « Let’s go » où Ludus Académie aura sa place via le jeu vidéo. Tout se relie finalement, même si ça fait des grosses semaines et des gros mois, des week-end entiers à travailler mais on compte pas ses heures !
Le but c’est de faire avancer les choses, de faire bouger la ville, parce que moi en tant que Strasbourgeois, j’ai envie de créer de nouvelles choses de montrer le potentiel de Strasbourg !
Frühstück : Pour finir, toi quels sont tes 3 jeux préférés ?
Mathieu : Le premier, Mario Kart. Parce que c’est quelque chose qui m’a suivi sur toutes les consoles (SuperNES, Nintendo 64, Gamecube, Wii-U). Mais bon, je ne suis pas un gamer. J’ai malheureusement pas le temps de jouer, même si le dernier Star Wars Battlefront me donne très envie de m’y remettre, mais je sais que si je joue à des jeux comme ça, je vais passer des heures dessus !
En deuxième position, je mettrais les jeux Lego, qui sont vraiment très très bien faits ! Surtout les jeux de dernières génération sur Wii-U. J’ai pu jouer à Lego City Undercover, qui est génial, qui se passe dans un univers étendu avec pleins de missions et tu retrouves l’esprit Lego. Moi ça m’a beaucoup parlé !
En troisième jeu je mettrai Tony Hawk Pro Skater. En fait, il y a 2-3 ans, je me suis racheté une PlayStation 2 pour pouvoir me refaire toute la série. Ça m’a rappelé beaucoup de souvenirs, forcément. Ce sont des jeux qui restent intemporels et tu prends toujours autant de plaisir à y jouer.
Frühstück : Et enfin la question bonus, qu’est-ce que tu manges au Früstück habituellement ?
Mathieu : Au Früstück ? Un bon jus d’orange et des Dinosaurus !
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Photos : Frühstück & Bartosch Salmanski
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